samedi 27 février 2016

Vivien - Prémices

Vivien - Prémices (09/2015)
Vivien est un auteur-compositeur-interprète multi-intrumentiste, basé sur Paris. Après quelques années passées à étudier et s'inspirer d'albums références ("Misery is a Butterfly" de Blonde Redhead, "Five Leaves Left" de Nick Drake ou "The Trials of Van Occupanther" de Midlake), il décide de faire le grand saut et d'enregistrer son premier album, "Prémices", sorti en septembre dernier. Il demande à ses amis (multi-instrumentistes eux aussi) les Amarants de l'accompagner dans cette aventure.
Le folk de Vivien est calme et serein, emplit de nostalgie, douceur et introspection. Composé presque exclusivement d'instruments acoustiques pour pouvoir être joué en pleine nature, il mélange vécu, paroles qui libèrent et légendes fantasmées. Un folk 100% naturel, "bio", et intemporel pourrait-on ajouter, dû essentiellement au fait de l'utilisation "brute" de vrais instruments, sans ajout d'effets de production.
L'écoute est agréable, facile d'accès. Du "Trials of Van Occupanthers" on retrouve effectivement ce côté champêtre et baroque, cette impression de nature et de forêt.
Deux petits bémols. Tout d'abord le chant, pas toujours assuré. Alternant paroles en anglais et en français, c'est paradoxalement lorsqu'il chante en français que la voix de Vivien a tendance à prendre quelques libertés, comme si le fait de se focaliser sur le texte lui faisait perdre la maîtrise de ses cordes vocales...
Le 2ème bémol est d'ordre plus général, pour ce genre d'albums cantonnés dans un style précis: les morceaux ont tendance à se ressembler les uns aux autres. Que ce soit du metal-prog, du psychédélisme ou du folk acoustique comme ici, on obtient parfois (souvent) des albums linéaires, compacts, aux compositions peu variées. Il en résulte qu'il est difficile de sortir un titre du lot, même si pour ma part j'aurais un petit penchant pour "Lanterns" et "Old Lies"...
L'an dernier j'avais chroniqué un album assez similaire: il s'agissait des Frères Microfont (lire chronique).

J'aime bien ce genre d'albums décalés, hors des sentiers battus. Marre de tous ces trucs sur-promotionnés, de ces produits issus de télés-crochets, totalement superficiels, sans profondeur ni épaisseur, sans âme. Ce "Prémices", même s'il a quelques défauts, respire la sincérité et l'authenticité. Et ça oui, c'est respectable.
Soulignons enfin la belle initiative en cas d'achat du CD, comme indiqué sur le site bandcamp dédié: "L'édition CD a une tracklist différente et est vendue avec un petit sachet de graines de plantes mellifères à planter au printemps en extérieur (balcon, jardin, terrain vague, forêt ...). Les plantes mellifères aident les abeilles et autres insectes pollinisateurs à survivre (ils sont de moins en moins nombreux)".
Faisons de notre côté en sorte que les Artistes naturels ne soient pas non plus de moins en moins nombreux. Ils le méritent.


 J-Yves


3/5: *****







Prémices - vivienmusique.bandcamp.com
1. Talk (03:40)
2. Graines (03:16)
3. Lanterns (03:57)
4. Helicopters (03:10)
5. Soupirails (05:02)
6. Old lies (05:02)
7. Errances (03:27)
8. Hurricanes (03:48)
9. Le chant des vivants (04:36)
10. Berceuse (04:16)



Vivien - http://vivienmusique.net/

Vivien Pézerat: texte, musique, production, chant et la plupart des instruments

Musiciens ayant participé à cet album :
Hanna Robert: violon (1, 9, 10)
Andrei Kivu: Violoncelle (3, 4)
Lucie White: Violoncelle (5, 9)
Frédéric Lepel: Percussions (4)
Jérôme Verdeaux: Percussions (2)
Laurent Cervesato: Percussions (5)
Pierre Lafont: Basse (2, 4, 7, 9) 
Florian Savard: Guitare 12 cordes (9), trompette (10)
Olivier Simon: Saxophone soprano (10)
Jérémie Barthes: Piano (3, 4, 8, 9)
Matthieu Kervarec: Flûte et bombarde (2)



photo: (c) ABSE Photography - http://vivienmusique.net




dimanche 21 février 2016

Balinger - Let Go

Balinger - Let Go (02/2016)
On connaît tous ça: il y a des albums qu'on écoute une première fois et qui nous laissent totalement froid. Aussitôt écoutés, aussitôt oubliés. Transparents. On a beau les ré-écouter, encore et encore, mais toujours rien, on est incapable de dire si on aime ou pas. Alors on laisse tomber et ils finissent au fond d'une étagère ou d'un tiroir. Et puis il y a ceux qui déclenchent quelque chose, une première impression. Bonne ou mauvaise. On se met à les ré-écouter pour confirmer (ou non) cette impression. Si la première impression était bonne, on cherche les défauts qu'on aurait escamotés. Si elle était mauvaise, on cherche les qualités cachées. En tout cas chez moi c'est comme ça que ça fonctionne.
Je n'avais pas écouté le 3ème morceau de ce "Let Go" que j'avais déjà une première impression. Et je fais souvent confiance à ma première impression.
Balinger est un tout jeune groupe de la région parisienne, formé en 2012. En un peu plus de 3 ans d'existence, ils ont à leur actif 1 EP ("Balinger" - 2013), et plus de 70 concerts, dont Solidays, Rock en Seine et le Printemps de Bourges, rien que ça.
Première originalité: tous les membres du groupe débutent par le jazz, qui leur apportera le goût de l'improvisation et de la liberté. Seconde originalité: il n'y a pas de leader (j'aime pas le terme "tête pensante": pourquoi, les autres sont des cerveaux de poulets ?). Balinger revendique le travail de groupe, "un truc de groupe à l'ancienne" comme l'affirme Jim (chant/guitare), "c'est comme ça qu'on a trouvé notre identité" confirme Thomas (guitare). Car identité il y a, incontestablement.
L'indie rock de Balinger puise sa force et son inspiration dans l'urgence, dans l'immédiateté. Leur musique oscille entre mer calme à agitée, comme disent les bulletins de météo marine. Ou "une caresse, une claque", pour paraphraser Daran. D'entrée, la chanson-titre "Let Go" qui ouvre l'album est une petite merveille de pop-rock mélodique alternant couplet calme / refrain explosif digne des spécialistes d'outre-Manche. Le "Reborn Again" qui suit est une lente progression poignante qui nous permet d'apprécier le chant de Jim et son impressionnant registre vocal. Pas le temps de reprendre son souffle, arrive "Fire Burning", tout autant vif et énergique, précis et imparable. En moins de 10 minutes on a pris en pleine poire une pure dose de rock à la fois débridé, puissant, doux, léger, lourd tout en restant harmonieux, maîtrisé et limpide. En 4 nous arrive "Before I Go", balade poignante et magistrale. Une baffe en 4 manches. On ne s'en relèvera pas. Il serait injuste de ne pas souligner l'époustouflant "Voices" tout en tension et en progression, le déroutant "All Alone" ou le sublime "Ghost" qui clôt l'album. 




On a du mal à imaginer que ces gars-là ne sont ensemble que depuis 3 ans. La qualité des compositions, de leur interprétation et de leur mise en musique est sidérante. Le chant de Jim est très proche de celui d'Adam Levine (Maroon 5). J'en vois qui se marrent: détrompez-vous, bien avant de faire la daube actuelle, les Maroon 5 ont sorti en 2002 un excellent "Songs About Jane" au rock légèrement funky. A écouter avant de rigoler. 
Au niveau de la spontanéité et de l'impulsivité, Balinger me fait aussi penser aux Cold War Kids ("Mine is Yours"), y compris au niveau du chant (pour ceux qui rigolent encore de la comparaison avec Maroon 5), mais surtout aux excellents australiens d'Eskimo Joe (écoutez voir "Ghosts of the Past" et on en reparle...).
Tout au long des 9 titres de l'album, on se sent comme sur ces manèges à (fortes) sensations où vous êtes tour à tour méchamment secoués, puis ménagés quelques secondes avant de repartir aussi sec prendre des G les pieds en l'air la tête en bas...
Ces quatre là n'ont rien à envier aux ténors du genre, ils soutiennent largement la comparaison. Les énervés d'hier se sont calmés, se sont embourgeoisés, ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes. Ils continuent de remplir des stades ou des zenith, ok, mais où sont passées leur rage et leur fraîcheur d’antan ?.. De ces vieux briscards, je ne vois plus aujourd'hui que ces sacrés Manic Street Preachers à avoir conservé (plus ou moins) intacte leur hargne originelle. Balinger fait souffler un vent frais et puissant qui nous fait plaisir et nous redonne des couleurs. Il paraît que la pochette est censée représenter une explosion, quelque chose d’émanant et d’imminent. C'est tout-à-fait ça.

Ma première impression était finalement la bonne: cet album est une bombe atomique !



J-Yves


5/5: *****








Let Go - balinger.bandcamp.com
 1. Let Go (3:30)
 2. Reborn Again (4:05)
 3. Fire Burning (3:40)
 4. Before I Go (4:48)
 5. Evolve (3:30)
 6. Voices (4:10)
 7. Save Me (3:45)
 8. All Alone (5:10)
 9. Ghost (4:12)


 Balinger - www.balinger.fr
 Jim Rosemberg: chant, guitare
 Thomas Caillou: guitare
 Gael Petrina: basse
 Gaëtan Allard: batterie



 photo: (c) Balinger




dimanche 14 février 2016

Huminoita - All is Two

Huminoita - All is Two (10/2015)
Huminoita est un groupe basé en Finlande, le pays aux mille lacs et recouvert à majorité par la forêt boréale. Faut-il y voir l'origine du nom du groupe, qui signifie (en gros, je parle très mal le finlandais) "le bruit du vent dans les branches" ?
Après un premier album "Huminoita" (2010), ce "All is Two" sorti en octobre dernier ne tombe qu'aujourd'hui dans nos oreilles. Encore un album passé entre les mailles du filet. Enfin, l'erreur est réparée, c'est le principal. Parce qu'il serait vraiment dommage de zapper cet opus, du moins si on est amateur de prog moderne et percutant.
On a (un peu trop, à mon goût) tendance à délivrer au seul Steven Wilson, aussi talentueux soit-il, tous les compliments et les encensements, à le considérer comme le seul actuellement à être capable de proposer un prog de haute volée, original et innovant. Bref, génial. Attention: ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Le gars en question, incontestablement, est l'un des rares à produire inlassablement et métronomiquement de purs joyaux. C'est clair qu'à ce niveau (régularité, fréquence, qualité), la concurrence est réduite, à tout le moins...
Par contre, en ce qui concerne l'originalité, l'innovation et la singularité, il est loin d'être le seul. Des gens à la technique irréprochable, il y en a beaucoup. Capables de composer une musique originale, différente, hors des sentiers battus, il y en a nettement moins. Vous arracher du quotidien pour vous transporter quelque part à mi-chemin entre la cime des arbres et la nuit étoilée, j'en connais personnellement très peu. Huminoita en fait désormais partie. 
Définir leur style musical n'est pas chose facile. Il serait faux de croire qu'une fois qu'on a dit qu'il s'agit de post-rock instrumental on a tout dit. Car c'est beaucoup plus que ça. S'il y a de fortes connotations doom-metal, il y a aussi des touches de rock atmosphérique et de jazz. Oui, à lire, ça fait un sacré mélange !.. Si on y ajoute des structures à géométrie variable, des morceaux aux ambiances et aux rythmes changeant qui s'étirent entre 5 et 10 minutes, on en conclut facilement qu'on nage en plein progressif digne de ce nom.
Difficile de sortir un titre du lot. On aime la légèreté de la lente progression de "The Sheriff", qui se transforme peu à peu en lourdeur purement sabbath-ienne avec son riff épais et pesant. Si le "Hymn 23" qui suit est lui aussi basé sur une progression linéaire, les inconditionnels de prog expérimental et psychédélique de la première époque se délecteront du fantastique "The Pilgrim", magnifique pièce de 6'30 dans laquelle on retrouve tout ce qui a fait le charme du King Crimson et du Van Der Graaf qu'on prenait tant plaisir à écouter: la délicatesse du saxo et de la flûte qui s'effacent pour laisser la place à une guitare débridée qui lâche les chevaux, avant qu'un clavier à sonorité jazz-rock ne vienne calmer tout le monde. On se dit qu'on a alors atteint le sommet de l'album, mais arrive "King of Hearts" et ses 10 minutes où la rugosité de la première partie alterne avec la douceur et la sensibilité de la deuxième (partie) pour terminer par un final réunissant les deux. Après ces 2 claques, l'atterrissage s'effectue en douceur avec le titre le plus calme et le plus lent de tous. Il nous fallait bien ça...



Je n'ai pas résisté longtemps à cet album, comme cela avait été le cas pour le dernier God is an Astronaut. Un titre comme "Goliath" fait penser à la période "All is Violent, All is Bright" / "Age of the Fifth Sun" par certains côtés. Il y a l'aspect musical bien sûr, mais aussi cette impression de voyage, de transport, d'être emmené "ailleurs". 
Enregistré au milieu de nulle part dans une école désaffectée, dans les conditions du direct, c'est-à-dire brut et sans effets de production, il faut chercher la petite bête pour trouver un défaut. S'il fallait donc apporter un bémol à ce "All is Two", il se situerait juste au niveau des voix (utilisées comme instrument, il n'y a pas de chant), qui n'ont pas de réelle valeur ajoutée dans la façon dont elles sont traitées (cf. "The Sheriff" et "Hymn 23"). Un léger manque de relief, ou de hauteur peut-être... mais pas de quoi en faire un drame. Et la qualité de l'ensemble ne s'en trouve nullement affectée.
Moderne dans son approche mais classique dans sa réalisation, puissant, mélodieux et dont l'écoute ne demande pas d'efforts particuliers, on a ici un album qui devrait transporter l'auditeur d'un souffle à la fois léger et rafraîchissant. Comme le vent dans les branches des arbres.



J-Yves


4/5: *****



A noter: Huminoita sera à Lille le 28/5 et à Strasbourg le 31/5 (à confirmer).








All is Two  - huminoita.bandcamp.com
1. The Sheriff (6:54)
2. Hymn 23 (5:30)
3. Goliath (5:20)
4. The Pilgrim (6:30)
5. King of the Hearts (10:45)
6. Hymn 24 (4:47)

Huminoita - www.facebook.com/huminoita
Ville Mäkäräinen: guitar, flute, synthesizer, vocals
Timo Keränen: guitar, percussion
Ville Mäkinen: bass
Jonne Ketola: drums
Matti Salo: saxophone, keyboards, synthesizer, vocals

Additional artists:
Laura Lehtola: vocals (1,4,6)
Oula Karppinen: saxo, trumpet (5) 


Photo: (c) Huminoita





vendredi 5 février 2016

D'Arsy - Boy Sentimental

D'Arsy - Boy Sentimental (02/2016)
J'ai l'habitude de commencer mes chroniques par une courte présentation du groupe ou de l'artiste concerné, histoire de situer le contexte. Allons-y: D'Arsy, est un ____ fondé en ____ dans la région de _____ (en ____). Après avoir enregistré ___ album(s) studio, il nous délivre ici son petit dernier, "Boy Sentimental", qui sort le 12 février prochain.
Comment ?.. il y a des blancs ?.. Eh bien disons qu'en règle générale, il est assez facile d'obtenir des infos (échange de mails, rapides recherches sur le net...). En général. Pour avoir des infos sur D'Arsy, il faut minimum bosser à la NSA ou avoir un pote détective privé. Donc pour moi, c'est mort. Tout ce que j'ai réussi à savoir, c'est que D'Arsy est le nom d'un projet né il y a 4 ans, derrière lequel se cache (et pas à moitié) Jérôme, et que l'album a été enregistré au fin fond d'une forêt du nord-est parisien. Trois infos, point. On a failli être Fanny, peuchère !..
Respectons ce choix, et concentrons-nous donc sur cet album, "Boy Sentimental", vu qu'on n'a que ça à faire. Et que pour écrire une chronique, ça peut aider.


Le premier titre, "Corcy", nous donne d'entrée 2 pistes: une confirmation sur le lieu d'inspiration / enregistrement de l'album (Corcy est un -tout petit- village au nord-est de Paris), et, plus important, l'univers musical dans lequel on va baigner tout au long des 8 morceaux suivants. Un univers sombre et mélancolique, à la fois intense et intériorisé. Et d'où ressort en permanence cette sensation de nuit. 
Un album noir. 
Pas le noir de la peur ou de la crainte, mais celui de l'absence et de la douleur. Renforcé par une mise en musique minimaliste, dans laquelle les "vrais" instruments sont absents: mis à part le piano, ce sont les boîtes à rythmes qui sont aux commandes. La froideur de l'electro renforce s'il en était besoin ce sentiment d’oppression qui ne nous lâche jamais. Tout au plus, D'Arsy nous laisse-t-il 3 minutes de répit pour reprendre notre souffle sur un très réussi et poignant "Lovely" (en duo avec Morgan Imbeaud) qu'on qualifiera "d'aérien" dans le contexte de l'album, mais qui plomberait l'ambiance de n'importe quel repas de famille !
En dehors de "La Foudre et le Tonnerre" et de "Boy Sentimental" (chanson-titre), le rythme est lent, lourd. La mise en musique et l'orchestration étant réduites, on se focalisera donc sur le chant et les textes. On l'aura facilement deviné: les paroles n'incitent pas à la joie et à la rigolade. "Boy Sentimental, dans nos coeurs toujours la dalle, pierre et sang mélangés. Vie en rose à dose léthale". On danse ?..
Les thèmes privilégiés sont l'amour et l'absence. Les mauvais coucheurs râleront que ce sont toujours les mêmes, rien d'original. Reste qu'il y a la manière de traiter ces deux thèmes, et qu'ici c'est plutôt réussi. Pas d'exagération, tout est fait dans la sincérité et l'émotion. C'est un des critères de qualité de cet album: une certaine poésie se dégage de ces textes précis et soignés.


L'autre critère de qualité est le chant. La voix est grave, posée et maîtrisée, sans jamais verser dans l'excès ou la démesure. Elle est à l'image de la musique: froide, sombre, parfois lancinante. Dès qu'on parle voix sombre et profonde, on pense souvent à Nick Cave ou Jean-Jacques Burnel (Stranglers). Il y a un peu de ça chez D'Arsy, c'est vrai. Mais il y a surtout une similitude avec Philippe Pascal (Marquis de Sade, Marc Seberg) assez troublante. A une époque j'écoutais en boucle "Lumières et Trahisons" (1987), et notamment sur "La Nef des Fous" la correspondance des voix est assez impressionnante... Un moment j'ai cru que c'était Philippe Pascal qui se cachait derrière D'Arsy, pour dire.
Je ne suis pas fan de l'electro-pop: je déteste la musique jouée par ces fichus ordis. Mais dans le cas présent, il suffit de faire abstraction des machines pour apprécier la finesse des mélodies. Les compositions sont solides, cohérentes et bien que le rythme général reste constant et varie peu, on ne s'ennuie pas pour autant. Ceci dit, ce n'est pas un album d'accès facile: la première écoute peut surprendre. L'ambiance lourde et pesante peut en rebuter plus d'un. Il est clair que si vous avez un ami qui traverse une profonde dépression et que des envies de suicide lui taraudent l'esprit, un conseil: abstenez-vous.
Plus sérieusement: qui dit album "intimiste" dit parfois album "narcissique". L'auteur-compositeur se regarde et s'écoute chanter, en fait des tonnes. Pas de ça ici, où se dégage l'impression d'avoir affaire à un artiste authentique et sincère.
Et il y a des tristesses qui sont belles. La preuve.



J-Yves


3/5: *****








D'Arsy: www.facebook.com/DARSYMUSIC

Boy Sentimental
1. Corcy (1:54)
2. 20000 Lieues (4:02)
3. Avant (4:40)
4. La Foudre et le Tonnerre (3:27)
5. Boy Sentimental (3:32)
6. Lovely (3:00)
7. Fut-il (3:00)
8. Pas Là (3:20)
9. Vision (4:16)



Photos: (c) Virginie Garnier










lundi 1 février 2016

Lazuli - Nos Ames Saoules

Lazuli - Nos Âmes Saoules (01/2016)
Est-il nécessaire de présenter, une fois de plus, Lazuli ?... oui !? comment est-ce possible de ne pas connaître ce groupe originaire du Gard, dans le sud de la France, né juste avant l'an 2000 et qui au long de ses 16 ans de carrière a enregistré 6 albums studio et 2 DVD ! Un groupe qui s'est forgé une solide réputation dans le monde du prog grâce à ses (nombreuses) prestations scèniques un peu partout en Europe, au Mexique et aux USA. Car s'il y a bien un endroit où les "lazuliens" se sentent comme des poissons dans l'eau, c'est bien la scène. Et là, attention, enchaînement de folie: en parlant de poissons, ils viennent d'accompagner Fish sur sa récente tournée européenne où ils officiaient en tant que première partie. Inutile de dire qu'ils ont cassé la baraque, l'Ecossais avouant que passer derrière les frenchies relevait plus du challenge que de la promenade de santé...
La musique de Lazuli est une mécanique de précision. Toujours sous contrôle, elle ne part jamais en vrille ou dans le décor. Cette rigueur et cette intransigeance se retrouvent dans la périodicité de leurs sorties studio: en règle générale, il faut patienter 2 à 3 ans entre chaque album. On reste dans le timing, le précédent "Tant Que l'Herbe est Grasse" datant d'Avril 2014 (lire chronique).


A partir d'ici, je pourrais la jouer facile: en tant qu'inconditionnel du groupe (mes doigts - et un peu ma mémoire - ne suffisent pas à compter le nombre de fois où je les ai vus en concert) je pourrais écrire une chronique bateau, pleine d'éloges et de superlatifs, et conclure que nous avons dès janvier un des albums qui finira, c'est sûr, dans notre top3 de l'année 2016.
Mouais. Trop facile...
Une caractéristique du groupe est sa constance: aucun faux-pas discographique. Toujours de très haute tenue et de grande qualité, chaque album peut revendiquer la place de n°1. Si j'ai toujours eu une légère préférence pour "En Avant Doute", ça se joue à pas grand-chose... Inversement, on ne note aucun accident industriel, dérapage ou faute de goût. Et ceci en toute objectivité.
Ce 7ème opus, "Nos Âmes Saoules" ne dérogera pas à la règle.


Depuis sa création, Lazuli possède son propre style, reconnaissable entre mille, "quelque part entre rock, chanson, électro et world" comme ils le disent eux-même. Un style qu'ils ont su conserver tout en le faisant évoluer par petites touches successives, au fur et à mesure des albums et du renouvellement du line-up d'origine. On retrouve ici le style "historique", essentiellement sur "Vita Est Circus", "Le Mar du Passé" et dans le final de "Les Sutures": ces grandes envolées au son plein, riche et fourni, avec force percussions et sonorités orientales. 

Un style qui se fera néanmoins plus discret qu'auparavant. 
En ouverture, "Le Temps est à la Rage", qui s'étale sur près de 7 minutes, illustre bien le sentiment ambiant actuel, cette sensation d'impuissance et de tristesse, mais aussi de colère, face à ce don (et ce plaisir) si particulier que possède l'homme d'emmerder son prochain. "Le Lierre" qui suit confirme ce qui est flagrant depuis "4603 Battements" et qui faisait défaut à ses prédécesseurs: la capacité à retranscrire sur CD l'énergie et la puissance que dégage le groupe sur scène. 

Les 2 dernières minutes du morceau nous donnent une furieuse envie d'écouter ça en live, de la même manière que la partie instrumentale de "Chaussures à nos Pieds" (avec un solo de Gédéric à tomber par terre !..) et le morceau-titre "Nos Âmes Saoules".
Ce sont 2 parenthèses mélancoliques qui ouvrent et ferment l'album, mais qu'on ne s'y trompe pas: il y a encore et toujours ces sursauts d'énergie et de violence qu'on adore prendre en pleine figure. Encore et toujours ces compositions millimétrées, affûtées, aux rythmes changeants bien que ne se départissant pas, ou rarement, de ce mid-tempo particulier et spécifique.
Lazuli fait partie de ces groupes qui savent faire l'unanimité en leur faveur parce que leur musique "parle". Elle est intelligente et ne prend pas l'auditeur pour un imbécile. 
Le moindre morceau est riche aussi bien musicalement qu'intellectuellement, sans en faire des tonnes dans la démonstration, le tape-à-l’œil ou l'opacité de paroles pseudo-poétiques. Les 5 musiciens sont de ceux qui choisissent de mettre leur formidable technique au profit de l'oeuvre collective, et non l'inverse. Les textes de Dominique ne sont jamais prétentieux, mégalos ou ronflants, mais toujours justes, sensibles et cohérents avec la musique. 
Il y a ces groupes dont on se demande s'ils ont un point faible ou un déficit: compositions, orchestrations, production, paroles, émotion, présence scénique, technique instrumentale... J'ai beau chercher, chez Lazuli je n'en ai toujours pas trouvé. 
Avec ces Âmes Saoules, j'ai déjà pour ma part l'album qui finira dans mon top3 de l'année. Je l'avais dit au début de cette chronique: facile.




J-Yves



5/5: *****






Nos Âmes Saoules
1. Le Temps est à la Rage (7:01)
2. Le Lierre (5:54)
3. Vita Est Circus (5:17)
4. Fanfare Lente (1:02)
5. Chaussures à nos Pieds (5:56)
6. Le Mar du Passé (4:17)
7. Le Labour d'un Surin (1:20)
8. Les Sutures (6:08)
9. Nos Âmes Saoules
10. Un Oeil Jeté par la Fenêtre (2:04)

Lazuli (www.lazuli-music.com)
Dominique Leonetti: chant, guitare
Claude Leonetti: léode
Gédéric Byar: guitare
Romain Thorel: claviers, cor d'harmonie
Vincent Barnavol: batterie, percussions



photos: (c) J-Yves R.